21 juillet 2001

5H30, en route pour Battambang! On a choisi un pick-up à l’extérieur, pas à l’intérieur. Paraît qu’il y a des bancs… En fait de bancs, il y a une bâche mouillée par terre sur laquelle on s’empresse de tremper nos fonds de culotte! On s’allonge donc à l’arrière du pick-up, appuyés sur nos sacs à dos. Allongés comme des pachas, on sera seuls sur la première moitié du voyage jusqu’à Sisophon. Au bout d’une heure, un papy nous rejoint. C’est chouette! Le soleil se lève et partout la vie s’active. Les paysans s’en vont aux champs au rythme lent de leurs charettes à boeufs ou au trot de leurs poneys attelés. Il se met à pleuvoir un peu mais rien d’alarmant. La route est bonne, tant mieux parce qu’on a les fesses vermoulues suite au vélo d’hier. Hé oui, encore, on doit avoir être fragiles des fesses! A Sisophon, on change de pick-up. Dans celui-ci, il y a plein de sacs et cartons et une dizaine de personnes à l’arrière. C’est pas grave, on peut en mettre 15 il paraît. C’est vrai - sûrement puisqu’ils le disent - mais déjà on ne peut plus bouger d’un millimètre! On achète du pain… prix annoncé en baths!!! C’est fou. Les Khmers parlent en dollars ou en baths et oublient qu’ils ont une monnaie nationale, le riel. Combien de temps reste-t-il avant sa disparition???

A l’arrivée à Battambang, on est assaillis par les rabatteurs! Merci messieurs, on se débrouille tout seuls, comme des grands. Puis on se rend au centre culturel français, comme nous l’avait conseillé Nancy qui y a bossé il y a deux ans. Là, on rencontre Geneviève, une cambodgienne professeur de français. Très accueillante, elle nous invite à dîner! On goûte à la Samla Kaki, une soupe faite de papaye, potirons, haricots, légumes en feuilles, épinards et qui se mange avec du riz et une omelette. C’est très bon. Son mari est médecin d’état. On apprend que le salaire d’un médecin d’état est d’environ 40000 riels par mois (10 dollars environ). Mais il peut se faire une clientèle privée si son boulot lui laisse du temps. C’est maigre pour nourrir 5 enfants et les envoyer à l’école. Geneviève est professeur d’état. Son salaire est d’environ 1000000 riels par mois. Hé oui, deux fois et demi plus qu’un médecin… sans compter qu’elle donne des cours privés. De toutes façon, le niveau de l’enseignement étant peu élevé et incomplet selon elle, les élèves qui envisagent des études sont obligés de prendre des cours privés.

22 juillet 2001

Ce matin, on fait le marché avec Geneviève. On goûte les fruits du dragon rose pétant, très bons, les pommes cannelles, les pamplemousses énormes, les oranges vertes délicieuses et un ananas bien sûr! On voit des crabes de rizière. On apprend qu’un bananier est mature en un an, donne un régime de bananes et… c’est tout!

Cet après-midi, une balade en ville nous a permis de découvrir la cachette d’Alain Delon! Son image est placardée partout dans la ville! Il fait une pub monstrueuse via présentoirs de cigarettes, affiches tout le long de la rivière, parasols vantant cigarettes et bières, enseignes pour les interphones!!! Il ne recule devant rien “Cigarettes Alain Delon, The Taste of France”. Le goût de la France, avec une image de la tour Eiffel et tout! Il y a aussi la Alain Delon Beer! Et à Singapour, on nous a raconté qu’il y a des étals entiers remplis de chaussettes Alain Delon!!! Incroyable. A chaque coin de rue, on croise sa photo ou son nom. Même une camionnette qui livre les cigarettes! On ne peut pas lui échapper! Belle image de la France. Et la plupart des gens ignorent qu’il est acteur. Pour eux, c’est une marque comme Adidas ou Malboro…

Ce soir, “Magie”, la fille de Geneviève nous invite à goûter la soupe cambodgienne qu’elle a cuisinée elle-même. Les ingrédients sont surprenants. Fleur de bananier, tiges de nénuphars, germes de soja, feuilles acidulées, cacahuètes pilées, nouilles de riz sont plongés dans une soupe faite avec des poissons bouillis puis pilés, assaisonnée à la noix de coco et au citron vert. Délicieux.

23 juillet 2001

Le Cambodge nous a surpris par le nombre impressionnant de mendiants et aussi d’éclopés. Jamais encore je n’avais vu autant de gens mutilés, les mines anti-personnel je suppose. Cette guerre civile a vraiment tout chamboulé pour certains. Ils ont tout perdu et se sont retrouvés à la rue. Des familles aristocratiques comme celle de Geneviève qui a dû confectionner et vendre des gâteaux dans la rue pour vivre avec sa famille avant de retrouver un poste d’enseignante, aux familles paysannes qui ont perdu leurs terres, tous ont été touchés économiquement et nombreux dans leur chair également. C’est peut-être pour cela, parce que cela aurait pu être eux, que les khmers donnent si volontiers aux mendiants. Ca fait réfléchir de voir toutes ces vies brisées par la guerre. Beaucoup sont ceux qui ont du mal à se nourrir comme il faut. Parmi les plus pauvres, les cyclos. Ils louent 1500 riels par mois leur vélo, gagnent moins de 10000 riels par mois et doivent subvenir aux besoins de leur famille avec ça. Alors souvent, ils travaillent dans une ville, y vivent loin de leur famille, dormant dans leur cyclo-pousse et retournent quelques jours par mois au village retrouver les leurs. Même Geneviève et son mari ne peuvent pas habiter la même ville. Lui est employé à Pailin, elle à Battambang à 100 km de là, soit 3 heures de trajet et 20000 riels (5 dollars) quand ils ne peuvent pas bénéficier de la voiture d’un ami. Lui cultive un peu et vend les fruits de leur verger pour arrondir les fins de mois. Elle trouve que ça n’est pas drôle de vivre séparés.

La région de Battambang à Pailin a été particulièrement touchée par les mines anti-personnel, les Khmers Rouges étant ici dans leur fief. On a croisé de nombreux 4X4 appartenant aux démineurs. Il y a encore beaucoup de travail dans la région, surtout en zone frontalière. Et un champ non déminé ne peut être rendu à un paysan.

On loue une mob (qui a deux selles pas du tout rembourrées) et on part à la découverte de la campagne. C’est assez désolé comme paysage. Pas de végétation luxuriante ici. En revanche, on croise du monde: les gamins qui gardent les troupeaux en groupe, les paysans et leurs bœufs ou avec leur poney et tout un tas de gens qui vont et viennent sur la route, à pied le plus souvent. Le but de notre balade est un temple, le Phnom Sampeu, perché sur une colline d’où on a une jolie vue. Et c’est bien mérité (ça mériterait d’ailleurs d’être encore mieux) vu la rude montée qu’on se tape sous plus de 40 degrés. On est arrivés en haut de tous ces escaliers rouges, assoiffés et essoufflés! A 14H00, la mob est cassée! Heureusement, on est à Battambang, on n’a donc pas trop à pousser. Tant pis pour Phnom Banan, on n’y ira pas…

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