21 juin 2001
Il pleut sur Sapa, les nuages cachent les belles rizières en terrasses qui s’offraient hier à la vue de notre chambre. La vallée est mouillée. Alors, on joue aux cartes avec un anglais, Ben, et deux suédoises, Chrichtine et Ellen. A midi, on descend à Cat Cat, à travers de super chouettes paysages de rizières en terrasses. Village Hmong où jouent des mômes en habits bleu-marine traditionnels de tous les jours, champs où travaillent les paysans, rencontre avec la petite bergère des cochons chinois et avec le chevrier peu après la cascade. Des Hmongs très gentils nous font goûter leurs fruits, acides mais bons (genre pomme à cidre). Ils vivent dans les montagnes vertes et brumeuses, simplement, sans télé ni mob. Et ils ont l’air heureux. Pourvu qu’ils restent encore longtemps loin de notre fichue société de consommation qui creuse les écarts et fait les riches et les pauvres et beaucoup de malheureux. Bien sûr, ici le môme aide très tôt. Vers 7 ans, il trimballe les frères et surs sur le dos, ramène du bois ou du riz, c’est lourd. Et ils ne vont pas trop à l’école, quand on demande à leurs parents pourquoi ils ne mettent pas leurs enfants à l’école, ils répondent que c’est pour les paresseux. Mais s’ils poursuivent cette vie, en ont-ils vraiment besoin? Grande question. Lire et écrire, oui, découvrir et avoir envie de plein de produits manufacturés et d’un mode de vie citadin venant d’occident, est-ce bien?
22 juin 2001
En voici des ethnies en osmose avec leur environnement! L’eau des montagnes est utilisée partout. Les rizières bien sûr, avec l’irrigation ingénieuse qui fait circuler l’eau constamment. Mais aussi l’électricité! Certains en produisent pour leur maison en utilisant la force hydraulique dans leur champ, très très simplement. Ou encore, pour creuser la montagne là où s’érigera une maison, des ruisselets sont déviés afin de creuser eux-mêmes l’espace, aidés tout de même un peu par les bêches de l’homme! Et enfin, ce système extra qui fait couler de l’eau dans une vaste auge creuse à l’extrémité d’un tronc couché à l’horizontal, lequel pivote sur un axe sous le poids de l’auge pleine qui se déverse alors d’un coup dans le ruisseau. Puis, vide et légère, elle se redresse promptement. Ce faisant, elle permet à l’autre extrémité du tronc armé d’un pilon de s’abattre avec force sur un récipient rempli de riz brut. C’est ainsi qu’il est décortiqué. L’eau, toujours l’eau pour aider et remplacer le travail de l’homme.
Mais qui donc est si fort? Les Black Hmongs bien sûr. Ethnie montagnarde fort sympathique qui peuple et exploite les montagnes, s’habille de bleu foncé et dont les femmes portent 3 ou 4 grands anneaux d’argent aux oreilles et des guêtres aux jambes. Mais aussi les Red Zao avec leurs jolies étoffes rouges autour de la tête, dont les femmes s’épilent complètement le visage et le haut du front, sourcils compris. Elles se marient entre 13 et 20 ans, sachant que les vieilles de 20 ans sont difficiles à marier. Et qu’une fille qui ne sait pas coudre est immariable!!! Quand elles sont en âge de se marier, 13 ans donc, les filles se font poser 2 couronnes en or sur les incisives extérieures du haut. Tout le monde vit dans la même maison (3 générations) et se lave dans la même eau, les plus âgés ayant le privilège de l’eau propre. Mieux vaut ne pas être le quinzième! Hommes et femmes mangent sur des tables séparées, hautes pour les premiers, basses pour les secondes. Ils cultivent (riz, maïs, indigo, etc) et élèvent buffles, canards, poules, cochons, chèvres. L’indigo est une plante genre buisson, on le coupe et le met tremper dans de grandes barriques pendant plusieurs jours, ça colore l’eau en bleu… indigo! C’est de cette façon qu’ils teignent leurs vêtements. Ca leur donne également les mains et avant-bras tout bleus à force de tremper dedans et de laver leurs vêtements… qui se décolorent!
Mais comment donc sommes-nous devenus si savants??? Hé bien en se fatiguant un peu. 16 kilomètres dans les montagnes à travers de magnifiques passages dans les rizières, dans les champs de maïs, sur le bord des rizières, à travers les villages, accompagnés par le glouglou des nombreux ruisseaux. Bref, une journée nature culturelle avec Eléna l’Allemande, Chrichtine, Ellen et Ben les joueurs de cartes et Mae la fille super sympa de l’hôtel qui nous a montré ces chemins perdus dans la vallée. Demain, courbatures… En attendant, on déguste une bonne bouteille de vin de Sapa (14 degrés) qui rappelle un peu le muscat de Rivesaltes, on va être bourré!